–
Ca fait 6 ans que je vis en Normandie et je n’avais encore jamais mis les pieds dans une ferme! Bouuuh! Eh bien j’ai rattrapé mon retard aujourd’hui en m’immergeant dans le quotidien de Carole et Olivier FRANCOISE, un jeune couple de producteurs de fromages à Fervaques.
C’est dans le cadre du Festival des AOP & AOC de Cambremer que se déroule cette expérience inédite, où j’ai la chance de découvrir le savoir-faire des petits producteurs fermiers.
J’ai donc été chaleureusement accueillie chez eux hier soir à la ferme de la Moissonnière, sur une exploitation qu’ils ont repris en 2011. Ces anciens cadres qui avaient déjà un pied dans l’agriculture ont tout repris à zéro, pour aujourd’hui nous offrir des produits exclusivement préparés à la main: ils font ainsi partie des seulement 5 producteurs de Pont-L’Evêque en Basse-Normandie. Traite des vaches le matin et le soir, transformation du lait en fromage, affinage, livraison sur les marchés ou les petites épiceries: tout est affaire de passion.
Pavés d’Auge et Pont-l’Evêque.
Fromages de Pays.
Avec leurs 86 vaches (qui ont chacune un prénom!), ils produisent environ 400 fromages par jour: principalement du Pont-l’Evêque, mais aussi du Pavé d’Auge et du Fromage de Pays (c’est un Livarot qui ne peut pas avoir cette appellation car il ne possède pas les 5 bandelettes spécifiques). Les troupeaux sont constitués à 50% de vaches normandes (brunes et reconnaissables à leurs « lunettes » autour des yeux) et de vaches Prim Holstein (les noir & blanc). Les normandes donnent environ 20 L de lait/jour, et les Prim Holstein 30 L.
Filante: la mascotte!
Ce matin je me suis donc levée de bonne heure pour assister à la traite. Je dormais encore que le vacher était déjà à l’action, car il faut 2H30 pour que toutes les vaches passent à la trayeuse mécanique.
Après cette opération les pis sont nettoyés pour qu’ils ne s’infectent pas lorsque les vaches se coucheront dans l’herbe. En attendant que les sphincters (canal par où passe le lait) se rebouchent proprement, elles patientent une petite demi-heure dans l’étable où elle grignotent un peu, avant de repartir brouter dehors.
A côté, des génisses qui attendent d’être inséminées. Si au bout de 3 inséminations, elles ne donnent pas de petit veau, on fait intervenir un mâle limousin. Par contre le veau ne sera pas gardé car on évite les races mixtes, pour privilégier les races exclusivement laitières. Les bêtes issues de croisement sont donc destinées à la viande.
Ce petit veau avait à peine 2 jours!
La nurserie où les veaux sevrés sont nourris 2 fois par jour avec du lait. Au bout de trois mois, ils seront sevrés et dès 6 mois, ils iront brouter de l’herbe comme des grands.
Le lait est acheminé par gravitation (il coule tout seul, mais pas aspiré) dans ces tanks par des pipelines. Le réservoir de gauche contient du lait de la veille, celui du milieu le lait du jour, et celui de droite est destiné à la laiterie. Ils font 2 traites par jour (matin et soir), mais ne transforment le lait qu’une seule fois. Autrefois, le lait était transformé matin et soir.
Allez, passons aux choses sérieuses: let’s go to the fromagerie. Equipement requis: bottes ou protections en plastique + charlotte sur la tête (pas de photo,merci bien). C’est d’ailleurs en la mettant sur la tête que j’ai fait tomber mon carnet dans…une cuve de lait. Je crois que je suis la fille cachée de Mister Bean et de Gaston Lagaffe.
On commence par l’écrémage. D’un côté coule le lait écrémé, et de l’autre, la crème. La température de la pièce est d’environ 25°C, un vrai petit sauna qui recouvre mon appareil photo de buée, d’où les images floues!
On remplit les cuves de lait partiellement écrémé. Chaque cuve (il y en a 12) fait 125L, et donne environ 36 Pont-L’Evêques.
On complète avec du lait chauffé à 35°C, température de la vache. On verse de la présure naturelle extraite de la caillette du veau (ce qui lui permet de digérer le lait de sa maman), ainsi que des ferments (déjà présents dans le lait cru) qui favorisent le développement des bonnes bactéries. Les ferments lactiques aident également à acidifier le fromage et lui donner de l’arôme.
Au bout de 40 minutes, le lait a caillé et on peut ainsi le trancher avec un instrument qui ressemble à une harpe: le tranche-caillé.
Le sérum (la partie liquide du lait) remonte peu à peu à la surface, et à ce stade, le lait ressemble à du yaourt (ou du tofu soyeux!).
Au fur et à mesure que la partie liquide se sépare de la partie solide, on y plonge une grosse passoire pour y récupérer le sérum et le jeter. Ensuite, on remue le tout avec une pelle et on recommence l’opération pendant 1 heure environ, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un quart dans chaque cuve.
Au bout d’une heure, le caillé est plus ferme et granuleux.
On passe au moulage: le contenu de chaque cuve est renversé dans des moules en métal, qui seront retournés 4 fois dans la journée, pour qu’ils s’égouttent. Ils seront démoulés le lendemain, puis retournés le surlendemain.
Le jour d’après, les fromages sont salés à la main.
On les place ensuite sur une grille, puis on les retournera 2 jours après, pour qu’ils sèchent.
Les fromages sont ensuite emballés dans du papier paraffiné et dans une boîte en bois.
On les range ensuite dans une salle de stockage entre 6 et 11°C, et on les laisse s’affiner dans leur boîte pendant 3 semaines minimum. Pour coller au goût du consommateur, ils s’abstiennent de les affiner d’avantage, car certains ne sont pas habitués à voir le « ferment du rouge » se développer sur la croûte. 1/4 sera destiné aux petits marchés locaux, 1/4 à Rungis, 1/4 aux petites épiceries du coin et 1/4 aux supermarchés locaux.
Caractéristiques du Pont-L’Evêque de Carole et Olivier: une croûte fleurie et fine, une pâte souple et lactique, couleur paille, avec un petit goût de noisette. Le salage est léger, car il paraît que lorsque un fromage est trop salé, ça cache des choses! Ici, on privilégie la saveur naturelle du produit. Pour en revenir à la croûte fleurie, celle-ci se développe naturellement dans le « hâloir » (la pièce où les fromages sèchent sur une grille) car les murs sont partiellement recouverts de bonnes moisissures. Ca paraît douteux pour un visiteur non averti, mais sans cette atmosphère, pas de croûte! Certains fromagers les lavent avec des ferments de surface, pour favoriser l’apparition du « ferment du rouge » et leur donner un goût plus prononcé.
En été, le fromage est plus savoureux et sa couleur tend plus vers le jaune « bouton d’or », due à l’alimentation des vaches. Le goût du Pont-l’Evêque n’est pas toujours régulier, tout dépend du facteur météo, de l’alimentation des vaches, de la température de la fromagerie…etc.
J’ai été réellement ravie de vivre cette tranche de vie à la ferme, aux côtés de Carole, Olivier, leurs salariés…et aussi leurs vaches, ne les oublions pas! J’y ai découvert que le fromage est un produit exigeant, et demande beaucoup de soin. Rappelons-nous que derrière chaque grand produit se cache un génial petit producteur, respectueux de son terroir auquel il est fondamentalement attaché. Merci encore à eux, et réfléchissez-y, la prochaine fois que vous achèterez du fromage.
Ton petit séjour dans cette ferme devait être super ! Merci pour cet article bien détaillé où l’on revit cette expérience avec toi. J’ai appris plein de choses et pourtant je suis déjà allée dans une ferme
Oui c’était génial! Mais trop court malheureusement!
Très beau reportage
waowwww merci pour ce voyage, un quotidien pour certains, tellement depaysant pour d’autres!
on a envie d’en gouter tout de suite!!! et une belle recette avec ta baguette magique avec??!!
bon week end!
belle immersion dans la vie rurale, je connais bien cette ambiance nature et j’adore les vaches, mais mes préférées restent les Salers…Auvergne oblige !
cela fait des mois que je me regale avec tes recettes qui me font voyager, je ne savais pas que tu habitai en normandie …sic !!! J’adore moi aussi faire du fromage, j’ai appris cela de ma mère étant enfant, et il m’arrive encore d’en faire, lorsque je me retrouve en vacances au Portugal, car j’ai ma meilleure amie qui est bergère d’un troupeau de chèvre, et là je me défoule un peu !
Par contre, je serai très intéressée de connaitre une adresse on peut acheter des ferments specifiques, pour changer un peu….Jusqu’a présent, j’ai surtout fait de la tomme de chèvre et de la ricotta.. merci a toi !
J’ai découvert ton blog il y a peu et chacun de tes posts me ravit et me frustre à chaque fois, en tout cas ce soir je teste une de tes recettes, les aubergines de l’Imam ! Sinon j’aimerais savoir quel est le supermarché à Caen qui vend ces fromages qui m’ont l’air fabuleux, s’il te plait, j’y habite et je voudrais vraiment les goûter *slurp !*
Merci d’avance
Oui c’est bien ça, tu peux trouver les Pont-L’Evêque fermier de la Ferme de la Moissonière au Monoprix du centre ville (à côté du Théatre), stand fromage à la coupe. Sinon sur les marchés du vendredi et du dimanche… Bonne dégustation!
Je pense que nous serions vraiment proches du nirvana si nous pouvions goûter ces trésors ! Quelle chance tu as eu !
Ici nous avons de bons fromages et de la feta mais j’ai quand même la nostalgie des bons fromages de Normandie où j’habitais aussi avant de m’installer en Grèce
Et pour le fromage de chèvre: la ferme des alpines à 14100 Marolles…c’est juste après Lisieux…
Bonjour, voilà un grand voyage entre les Alpilles, le Maroilles et le Calvados. C’est le charme de la France. Sourires
Ça du être super comme expérience =)
en tout cas, très intéressant ton article !
Et pour ceux qui ne sont pas dans la région de Normandie, il y a le site http://www.produits-normandie.fr. Vous pouvez y acheter ces fromages AOC Normands Livarot, Pont l’Evêque, Camembert ou Neufchatel, la boutique est installée à Cambremer sur la place ou se tient le festival des AOC, vous pouvez vous faire livrer ces délicieux fromages normands fermiers partout en France.
merci pour la balade !!!
Ah la Belle Normandie…