Kakuni de porc


Hier fut un jour assez particulier pour moi car il y a eu deux anniversaires dans ma famille: celui de ma soeur aînée et celui de la disparition de ma p’tite mamie. Et oui le même jour, étrange hasard du calendrier. Si vous êtes un fidèle du blog, vous savez que je parle souvent de ma grand-mère car c’est elle qui est à l’origine du blog. Les piments oiseaux qu’elle allait cueillir dans le jardin de bon matin, voilà où toute l’histoire a commencé. C’est drôle comme on peut encore être triste des années après la perte d’un être cher, on dit qu’avec le temps ça passe mais le pincement au coeur est toujours là.
Bon je ne vais pas vous tirer des larmes, au contraire j’ai envie de vous raconter les souvenirs les plus drôles que j’ai gardé de ce petit bout de femme qui m’a tout appris.
Premièrement, elle avait un sacré caractère: elle détestait que les inconnus qui la côtoyaient (le facteur, la coiffeuse…) l’appellent Mamie, elle les envoyait paître illico en leur disant « Non mais appelez-moi Madame, je suis pas votre Mamie! ». Vous ciblez le personnage? 🙂 
Elle adorait manger au fast-food, en particulier chez le clown, pour manger la moitié d’un big mac (elle donnait le reste au chien). D’ailleurs quand elle était sur son lit d’hôpital, à Sydney, elle m’avait fait courir des kilomètres jusqu’au Nando’s du coin pour que je lui ramène des frites.
Elle ne supportait pas qu’on critique sa cuisine. Si on avait le malheur de lui dire que c’était trop ou pas assez salé, on avait droit à « Si c’est comme ça, je cuisinerai plus jamais! ». Mais le lendemain elle avait oublié et était déjà debout en train d’éplucher les oignons à 7h du mat.
Quand on allait au restaurant, surtout le soir, elle mangeait une soupe yum-yum avant de partir, de peur qu’il n’y ait rien à la carte qui lui plaise, ou pire, qu’elle ait sommeil et qu’elle n’ait plus faim. Evidemment, à chaque fois elle ne mangeait que la moitié et demandait une barquette pour ramener les restes à la maison (chez nous ça se fait assez couramment).
Elle adorait chanter, et lors de ses voyages annuels en Indonésie, elle revenait les valises pleines, non seulement d’épices mais aussi de DVD de clips en karaoké! On pouvait l’entendre dans tout le quartier ^^
Quand on était petit elle nous racontait plein de mensonges pour qu’on lui fiche la paix: « Si tu ne fais pas la sieste, il y a le fantôme qui va venir t’embêter! », « Si tu traînes trop longtemps devant ton assiette, tes futurs enfants seront de gros fainéants », « Si tu t’asseois sur l’oreiller tu auras des boutons sur tes fesses »…Je ne sais pas où elle allait chercher tout ça, mais c’était efficace: on se couchait sans broncher, on ne traînait jamais à table et on évitait de s’asseoir ou de mettre nos pieds sur les oreillers. Pareil pour le croupion du poulet rôti, son morceau préféré, on avait interdiction d’y toucher car c’était « réservé aux grandes personnes » pour je ne sais quelle raison obscure.
C’était pas seulement notre grand-mère, c’était aussi notre nounou, elle avait accueilli des tas d’enfants dans son foyer: elle s’en occupait comme si c’était les siens, elle en a même adopté. Sur les vieilles photos, elle apparaît souvent avec un bébé dans les bras ou des gamins accrochés à sa robe. C’était notre deuxième maman.

Et puis des années plus tard, ses problèmes de coeur apparurent, en commençant par une crise qu’elle eut pendant une de ses prières (elle était musulmane). Le médecin lui avait conseillé de les espacer, ce qu’elle fit, puis progressivement elles disparurent de son rituel quotidien. Voyant que cet abandon n’avait rien changé à sa foi, elle eut la curiosité de goûter à la viande de porc: grand sacrilège! D’abord avec du jambon blanc, puis des côtelettes, du rôti…et même du pâté de tête! Elle avait fini par y prendre goût et avait regretté de ne pas avoir essayé bien plus tôt 🙂 Une fois, ne supportant plus sa colocataire de l’époque (une autre petite dame -musulmane aussi- empêcheuse de tourner en rond), elle lui commandat une pizza…aux lardons. Mais non, c’est pas graaave ma p’tite-fille, j’irai au paradis quand même, me disait-elle en rigolant. Ouaip, je ne sais pas où elle est maintenant, mais elle me manque. En tout cas elle n’est pas loin. Et je suis sûre qu’elle aurait adoré ce kakuni de porc, ne serait-ce que pour son nom rigolo.

Kakuni de porc (pour 4 pers):

D’après la recette de Kaori Endo

-800g de poitrine de porc (avec ou sans la couenne)
-4 oeufs durs
-1 blanc de poireau
-15 cl de saké
-5 càs de sauce soja
-2 càs de sucre roux
-1 morceau de gingembre d’environ 10 cm
-2 étoiles d’anis

Coupez la viande en gros cubes. Perso j’ai cuit la viande entière et j’ai coupé après cuisson.
Mettez-la dans une cocotte et recouvrez d’eau froide. Portez à ébullition, faites cuire 10 minutes, puis égouttez-la (jetez l’eau de cuisson). Remettez la viande dans la cocotte et ajoutez-y le saké, le gingembre pelé et coupé en rondelles, l’anis et le blanc de poireau. Recouvrez d’eau froide et portez à ébullition. Couvrez, baissez le feu au minimum et faites mijoter pendant 1H30, en écumant de temps en temps.
Otez le couvercle et faites réduire l’eau de moitié. Ajoutez la sauce soja, les oeufs durs et le sucre. Couvrez et laissez encore mijoter 30 minutes sur feu doux. Servez bien chaud avec du riz.

 

Un bon plat de mamie, bien réconfortant!

 

 

 

 

14 Replies to “Kakuni de porc”

  1. Joli billet, c’est touchant. Ma grand-mère était un peu le contraire côté cuisine: elle s’excusait toujours d’avoir râté ses recettes alors que c’était délicieux Le kakuni bien chaud, c’est ce qu’il nous faut avec la météo de ces jours-ci!

  2. Ta grand-mère avait en effet l’air d’être une sacrée bonne-femme en tout cas elle a réussi à te transmettre sa passion de la cuisine et des mets un peu étrange ^^

  3. Je suis très touchée par ton article car je comprends très bien ce que tu ressens et la perte d’un être cher ça nous marque pour toujours. Mais tout comme toi je ne garde que les bons souvenirs un peu pour faire vivre cette personne et la description de ta mamie est faite dans une bonne humeur et tu lui rends très bien hommage. C’est très bien de parler ainsi d’elle comme je le vois régulièrement ! Ta recette est comme toujours au top. Bisous !

  4. In the mood for la badiane
    Dommage que je sois au régime en ce moment, y’a rien que j’aime plus que ce genre de morceaux dans le cochon (la texture!!!), la rouelle étant mon pêché mignon super super verboten prohibido… et je fais aussi une fixette sur la badiane, surtout dans le mélange 5 épices asiatique (pas le Ducros surtout) où il y a aussi de l’écorce de mandarine, un soupçon dans ce genre de plats et tu rentres dans une autre dimension!!! besooooooooooos

  5. Ta grand mère était un personnage… Ru lui rends si bien hommage ! Merci pour cette recette très tentante !

  6. Quelle belle histoire ! Ma grand mère aussi est un personnage, il ne faut pas lui marcher sur les pieds Je testerais bien ta recette ça semble délicieux

  7. tu as de la chance d’avoir eu une grand mère comme ça, et ta grand mère a de la chance de t’avoir comme petite fille
    merci pour cette belle histoire touchante

  8. Merci pour cette introduction émouvante où on passe du sourire au pincement au cœur… J’ai beaucoup aimé la fin et la taquinerie de ta grand mère. En tout cas c’est un bel hommage !

  9. Bonjour,
    Mmmh, bien tentée par cette recette, je la mets de côté ^^
    Psstt, j’aime beaucoup l’assiette creuse (ou le bol ?) Vient-elle d’un voyage ?
    Merci pour toutes tes bonnes recettes !

  10. Merci ma fille, n’oublies pas qu’elle chantait du Mike Brant et du CLOCLO aussi, et son chanteur préféré que tu ne connais pas c’était DICK RIVERS

  11. Et encore une recette à tester ! J’adore les histoires de grand-mère, certainement parce que j’étais souvent flanquée avec les miennes quand j’étais petite et que je ne ressens que trop bien ce que tu écris. Et ça me fait rire, celle qui est toujours en vie me disait aussi des choses du genre de ta mamie, celles qui font qu’on obéissait sans broncher… Bon, et tu vas rire, j’ai aussi entendu cette histoire de croupion pour les grands, Nouvelle Calédonie/fin fond de l’Ariège, même combat ! Sinon, rien à voir, mais est ce que je t’avais envoyé du cou farci? Je ne m’en rappelle plus et je me disais que ça pourrait te plaire.

  12. C’est dommage je suis interdite d’oeufs durs par Mariano…. (pas de dessin, suis pas une princesse après tout…)
    En tous cas tout à fait le genre de plat que j’aime

  13. Que de beaux souvenirs… ta grand mère semble avoir été une femme exceptionnelle et pleine de caractère ! Comme quoi, la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre Et cette recette… MIOOOOM !

  14. Mmmmh, c’était aussi bon qu’au resto, merci beaucoup pour la recette !

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