La soupe « trois heures », celle de mon enfance

Souvent Mister T me taquine sur ma taille, me disant que j’ai pas dû manger assez de soupe quand j’étais petite. Et bien sûr il rebondit là-dessus, en enchaînant avec un « Ouaaah mais c’est difficile de t’imaginer plus petite! » Ah…Ah…Ah. Faut dire qu’il est né à Vannes, qu’il avale les meilleurs sketches de Bigard chaque matin et qu’il a sauté sa deuxième année à l’école du clown.


La citronnelle ramenée de Nouvelle-Calédonie, que j’ai mise en pot,
et que je n’ai pas eu le courage de déraciner pour la recette!
J’ai du aller en acheter au magasin chinois!

Eh bien ça ne se voit pas, mais j’en ai mangé, de la soupe! Et pas des trucs moulinés en briques ou de la poudre à diluer dans l’eau. Bon j’avoue que j’adorais (et j’aime toujours!) les paquets de nouilles instantanées, surtout les « Mi goreng« , qu’il fallait assaisonner avec le petit sachet de kecap manis et l’huile parfumée aux oignons. Mais c’est un autre sujet…

Ce dont je voulais parler, c’est une soupe que faisaient (et font toujours) les mamies de la famille. Ma grand-mère n’était pas la seule aux fourneaux, car cette recette demande beaucoup de patience. Je ne sais pas si c’est à cause de ça qu’on l’appelle la « soupe trois heures », en fait j’ai jamais su le pourquoi du comment. Ou peut-être qu’on pouvait la manger à trois heures de l’après-midi comme une collation? Mystère et boule de gomme.

Cette soupe me trottait dans la tête depuis un bout de temps, sans doute parce que ma grand-mère apparaît en guest-star dans mes rêves en ce moment, et qu’elle me manque énormément.
Ce plat est lié à des tas de souvenirs, en particulier à ceux des dimanches passés à Saint-Michel (en Nouvelle-Calédonie) chez Mbah Palijo et Mbah Atun, qui sont un peu mes arrières-grands-parents d’adoption (histoire trèèès compliquée!).
Donc le week-end ils organisent toujours une petite journée famille-amis autour d’un jeu d’argent qui nous permettait d’arrondir les fins de mois quand on était tiré au sort.
Et pour faire venir les petits-enfants qui auraient peur de s’ennuyer parmi tous ces petits vieux qui ne parlaient qu’en javanais, Mbah (ça veut dire grand-père ou grand-mère en indonésien) nous préparait sa fameuse soupe trois heures.

Et cette soupe, c’était une oeuvre d’art. D’abord, il y avait le bouillon qui mijotait très longtemps sur le bord de la gazinière. La marmite était très haute, je m’en souviens, et restait sur le feu jusqu’à la dernière seconde (ce qui m’a souvent valu des brûlures sur le bout de la langue…), avant qu’on l’installe sur un petit tabouret près de la table, qui était déja remplie d’autres plats. Dans ce bouillon qui parfumait tout le quartier il y avait un poulet entier, des bouts de gingembre, d’ail et de galanga qui faisaient de la natation synchronisée dans ce jacuzzi bouillant.
Le poulet était ensuite entièrement dépiauté avec les doigts, pendant qu’il était encore chaud. On déposait soigneusement les petits bouts de chair fondante sur une grande assiette, à côté du céleri, du chou, du soja, des vermicelles, de la coriandre et des oignons frits. Sans oublier l’incontournable sambal kecap et les quartiers de citron pour donner du peps à son assiette.
Et ce qui est génial avec cette soupe, c’est qu’elle est à composer soi-même. Chacun pioche dans la garniture de légumes et de poulet à son gré, puis arrose le tout de bouillon. D’habitude on a pas le droit de choisir dans le plat ou de toucher avec les doigts, mais ici tout est permis !!! (à condition de bien se laver les mains bien sûr)

En général on mangeait dehors, sur la terrasse, car il n’y avait plus de place sur la table à manger, avec la marmite à riz, le sayur gori, les perkedels, le poulet frit, le riz jaune aux cacahuètes…etc ! Il y avait toujours trop à manger, et des fois il fallait revenir le soir pour finir les restes, si on avait eu le malheur d’oublier d’emporter nos « doggy-bag » en partant 🙂
Ah ça me manque tout ça, pas seulement cette soupe, mais le fait d’être en famille et de partager un dimanche tranquille…

La soupe « trois heures », celle de mon enfance
(pour 6 à 8 pers)

Pour le bouillon
-1 poulet entier (pas trop gros)
-1 oignon
-1 branche de céleri
-1 morceau de gingembre (de la taille d’un pouce)
-1 morceau de galanga
-1 tige de citronnelle
-2 gousses d’ail
-1 càs de gros sel
-2 càc de sucre
-du poivre noir
-2 càc de graines de coriandre écrasées
-1 feuille de laurier

Pour la garniture
-4 feuilles de chou blanc (j’ai pris du chou chinois)
-2 grosses poignées de pousses de soja frais
-1 petit paquet de vermicelles de soja
-quelques tiges intérieures de céleri
(les plus tendres)
-1 botte de coriandre fraîche
-1 gros oignon (+ huile de friture)
-1 citron
-du sambal kecap

Préparez le bouillon en immergeant le poulet dans une grande marmite d’eau froide. Ajoutez le sel, le sucre, le laurier, l’oignon coupé en deux, le céleri, l’ail écrasé, la tige de citronnelle écrasée et nouée, les graines de coriandre, le gingembre en rondelles et le galanga légèrement écrasé. Poivrez généreusement et portez à ébullition. Ecumez souvent pour que le bouillon reste clair. Laissez cuire environ 1h30 à 2h à petit feu.
Pendant ce temps, coupez le gros oignon en deux, puis chaque moitié en trois. Emincez très finement et faites-le frire dans un bain d’huile pas trop chaud (ça peut vite brûler). Egouttez sur du papier absorbant.
Emincez le chou très finement et faites-le blanchir 5 minutes dans de l’eau bouillante. Egouttez-le et réservez. Faites de même pour les pousses de soja et les vermicelles. Emincez les tiges tendres de céleri, et coupez grossièrement la coriandre fraîche.
Dépiautez le poulet et déposez la chair sur un plateau (ou une grande assiette plate). Déposez des petits tas de céleri, coriandre, chou, soja, vermicelles et oignons frits en couronne autour du sambal kecap. N’oubliez pas le citron. Chacun se sert en garniture et arrose le tout de bouillon chaud, avec éventuellement du sambal kecap et quelques gouttes de jus de citron. 

Ca sera ma dernière soupe pour MaryAthènes !!!

8 Replies to “La soupe « trois heures », celle de mon enfance”

  1. Miamm, j’en rêve de cette soupe…Mais est-ce bien raisonnable de faire cuire un poulet entier pour moi toute seule??? Je crois que oui;o)

  2. Waow, jolie soupe, jolie histoire… J’essaierai ça!

  3. Ta soupe est magnifique. Je voulais justement faire une fondue Asiatique. Ça s’en rapproche. Le choix va être difficile maintenant que j’ai vu ta soupe.

  4. elle a l’air excellente ta soupe ! hmmm j’ai fait du lemon curd hier…miam! délicieuse

  5. @assassin:ben si tu manges pour 6, alors why not? @aurelvelvet:merci, l’histoire était aussi longue à raconter que la recette à faire@Patou:ah quel choix cornélien!pour ma part je sais ce que je choisirais…@mimiouzh oui elle l’est! cool si le lemon curd t’ait plu!

  6. Ca ressemble beaucoup au Sao To, la soupe au poulet, oeuf dur, oignon frit et pomme de terre frite ! J’ai d’ailleurs les photos en stock depuis un moment…
    Une version un peu plus light ?

  7. Ta soupe est formidable, autant pour ses ingredients que sa degistation en famille !
    Merci !

  8. Nous venons de nous régaler autour de cette soupe, réconfortante en ces temps de rentrée ! Ce fut un véritable bonheur. Le bouillon était délicieux, versé sur la garniture et le poulet était parfaitement cuit, quel enthousiasme autour de la table pour se servir et engloutir avec délice cette soupe ! Merci énormément de nous avoir livré cette recette. La bonne humeur que cela a fait régner autour de la table m’a émue et le bouillon m’a rappelé celui que mon père faisait. Merci !

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