Bami

Le bami est au javanais (de Nouméa) ce que le camembert est au normand. C’est LE plat emblématique de ma communauté ! Pourtant, cette recette n’existe pas en tant que tel en Indonésie ! C’est un dérivé du bahmi goreng indonésien qui est à base de nouilles aux œufs, alors que la version néo-calédonienne comprend des vermicelles transparents. J’ai même découvert un clone parfait du bami en dégustant un japchae dans un restaurant coréen ! D’ailleurs les termes désignant les nouilles se ressemblent dans les deux langues : mee en indonésien, et myun (pourvu que je ne me trompe pas!) en coréen. Si c’est pas du métissage, ça !

Il y a quelques années, lors de mon retour en Nouvelle-Calédonie pour mes vacances, j’avais assisté aux funérailles de mon arrière-grand-mère paternelle, qui s’en est allée à l’âge respectable de 107 ans. Chez moi on ne fait pas juste un enterrement et basta. On réunit toute la famille et les proches, on se recueille dans la prière et surtout…on mange ensemble ! On nourrit tout le monde, le défunt inclus : un autel est consacré à sa mémoire avec en offrandes ses plats préférés. Pour la nourriture, les hommes vont à la chasse ou à la pêche pour ramener de quoi remplir les marmites, et on réquisitionne les femmes pour la popote. Bien sûr j’y participe, moi la petite jeunette à qui les mamies ne font pas trop confiance pour réaliser un plat (surtout pour 50 personnes !).

Tout le monde étant débordé, il fallait trouver quelqu’un pour cuisiner le bami. Personne ne me consultant (vous savez, comme les nuls en sport que personne ne choisit pour intégrer l’équipe de basket au collège), je décide donc de m’en occuper ! Au grand dam des aïeules…

Pendant tout le temps de préparation et de cuisson, je sentais leur regard par-dessus mon épaule, craignant le moindre faux-pas. De leur côté, certaines faisaient aussi la même recette, car ma cocotte n’était pas assez large (pourtant je pouvais m’asseoir dedans). Des rivales d’un autre temps ! 🙂
En cuisine ça bouillonne, au propre comme au figuré. La fumée du feu de bois me pique les yeux, la chaleur est éprouvante malgré le fait qu’on soit en plein air. Je suis aidée par Elise, pour pouvoir remuer les tonnes de vermicelles avec l’énorme cuillère en bois qui se rapprochait plus d’une rame que d’une spatule. Avant la fin, on en prélève une part individuelle pour la déposer en offrande, après avoir trimé comme une bête. Le soir, verdict au buffet des convives : mon plat est revenu vide, alors que le bami des mamies n’a pas trouvé beaucoup d’amateurs ? Yeeeah ! Un feu d’artifice intérieur, bien entendu, compte tenu des circonstances…

BAMI (pour 4 pers.)

-1 paquet de vermicelles de soja
-2 blancs de poulet

-2 carottes
-3 feuilles de chou blanc
-une poignée de haricots verts

-1 oignon

-2 gousses d’ail

-1 càc de sucre
-5 càs de sauce soja claire
-3 càs de sauce de soja foncée

-3 càs d’huile neutre

-sel, poivre, muscade

-1 càs de petites crevettes séchées (facultatif)

Réhydratez les crevettes dans un bol d’eau chaude. Plongez les vermicelles dans une casserole d’eau bouillante et laissez sur feu doux pendant 10 min. Egouttez-les et laissez refroidir dans un saladier d’eau froide. Coupez-les avec des ciseaux, mais pas trop courts (3 ou 4 coups de ciseaux directement dans le saladier suffiront). Faites rissoler l’oignon émincé dans 2 càs d’huile, avec l’ail. Ajoutez le poulet coupé en petits dés. Une fois doré, sortez le poulet de la marmite et réservez-le sur une assiette. Ajoutez la 3e càs d’huile, puis versez-y les carottes en petits bâtonnets et les haricots en biseaux. Lorsque les légumes sont tendres, ajoutez le chou en fines lanières, les crevettes égouttées et remettez le poulet. Assaisonnez de sel (pas trop, à cause de la sauce soja), poivre, sucre et quelques râpures de muscade. Lorsque tout est bien cuit, retirez la marmite du feu et plongez-y les vermicelles égouttés. Mélangez avec une spatule et versez les 2 sauces soja. Remettez sur feu doux et laissez mijoter à découvert entre 15 et 20 min, en remuant régulièrement pour ne pas que ça attache. Les vermicelles doivent être parfaitement translucides et souples. A servir très chaud avec du riz blanc et de la coriandre fraîche.

Un mini reportage photo de ces 4 jours à Hienghène, la commune d’origine de ma famille paternelle. En vrac : on râpe les noix de coco, on épluche les bananes poingo, on écrase au pilon le riz gluant, on (mon père!) dépèce le gibier de la chasse…etc. Je vous épargnerai le sacrifice de la poule !

11 Replies to “Bami”

  1. Le bami, c’est vraiment excellent ! C’est exactement avec la même recette que j’en ai mangé un il y a quelques mois chez une amie à Noumea, je vais pouvoir en refaire grâce à toi !! (elle ne savait pas les quantités –‘ alors je n’ai pas osé m’aventuré à en faire un au pifomètre !)

  2. @Fanny:merci, ravie d’avoir partagé cette recette!

  3. Elle est parfaite ta recette Létitia.
    Et c’est clair qu’il faut le servir très chaud, c’est encore meilleur !

  4. Enfin je vais pouvoir remanger du bami, que j’adorais etant petite. Ca fait des annees que j’en parle a Cher&Tendre sans reussir a mettre la main sur une recette. Ca va etre un feu d’artifice de papilles et de jolis souvenirs…
    Merci, vraiment !
    (suis d’ailleurs vraiment cretine de ne pas avoir pense plus tot a chercher dans tes archives… Vive le Paris food trip#7, en somme !)

  5. Tu m’as direct convaincue d’essayer quand tu as dit que ça ressemblait à du japchae! Et bien sûr c’était excellent, merci pour la recette!

  6. Hummmm ! Mon plat préféré lorsque j’étais à Nouméa … Ça a fait remonter plein de souvenir, du coup, merci pour la recette, j’en fait un ce week-end !!!

  7. Quelle bonne surprise de tomber (par hasard) sur ce forum et sur la recette du bami. J’étain en N.C. en novembre chez des amis qui en avaient fait mais ils ne pensent pas à m’envoyer la recette et j’ai très envie de faire goûter ce plat ici. Je vais m’y mettre sans tarder.
    De même je voudrais trouver la recette des nems..
    Merci

  8. Le Bami, un de mes souvenirs de Lifou! Merci beaucoup, je vais en faire un pour ma fille de 17mois: je l’entends déjà « Hummmmm »

  9. […] ça me rappelait d’ailleurs les petites crevettes séchées qu’on ajoute dans le bami, en […]

  10. Juanita Marwi-Leroueil dit : Répondre

    Bonjour tout le monde !
    Comme je suis ravie de pouvoir partager avec vous mes ressentis !
    Je suis aussi d’origine indonésienne. Ma mère et une partie de ma famille viennent aussi de Hienghène !!! Lorsque je vois toutes ces photos cela m’émeut un peu (souvenirs d’enfance… quand tu nous tiens !)
    Ma mère m’avait montré sa recette de Bami ; j’étais haute comme 3 pommes !!! D’ailleurs, j’ai gardé certaines vieilles habitudes car j’adore cuisiner et mon mari se régale depuis 30 ans de mes plats !
    Dans sa recette elle mettait non seulement du poulet mais, elle y ajoutait aussi du porc, des crevettes fraîches et des crevettes sèches, du boeuf (rumsteack) sans oublier bien entendu tous les légumes : chou blanc, haricots verts, carottes et vermicelles etc… Tout cela coupé en morceaux. Chaque viande est cuite chacune à leur tour avant que tout soit mélangé…
    C’était un pur régal ! Je pense que cela devait être un bami luxueux hihihi ! Car elle le préparait ainsi lorsqu’elle avait des invités à la maison le samedi midi !!!
    Bien je vous souhaite une bonne continuation, en espérant quelques retour !
    Belle et douce journée à vous toutes et tous !

    1. Ah oui ça c’est vraiment un bami de luxe, car à part le poulet et les crevettes séchées, on ne mettait rien d’autre dans ma famille. Je pense que chacun a ses variantes, et c’est sympa aussi! A bientôt!

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